C'était vers 1360, au cours de la guerre de cent ans Notre Dame de RUFFIS échappa au pillage et à la destruction |
Une
page d'histoire locale : Montredon-Labessonnie
Il
y a de cela
bien longtemps, dans le pays, s'en est évanoui le souvenir et les
vieilles
archives qui en donnent relation semblent avoir voulu oublier comme les
hommes,
car, sous l'action du temps l'écriture de ces anciens manuscrits s'est
effacée
par endroits.
C'était vers 1360, au cours de la guerre de Cent ans que les exploits
de Jeanne
d'Arc marquèrent si glorieusement pour notre patrie. Les Anglais
étaient
maîtres de presque toute la France. Notre pays languedocien eut sans
doute à
souffrir de l'invasion anglaise, mais bien plus des grandes Compagnies
ou
routiers, bandes armées, composées de bandits, de pillards qui
ravageaient,
incessamment les campagnes, brûlaient les fermes, massacraient les
paysans,
volaient les bestiaux, en un mot commettaient tous les crimes. Ils
s'attaquaient souvent aux églises, et, quand ils avaient réussi à s'en
emparer,
ils brisaient tout ce qu'ils ne pouvaient emporter. Bien des fois, le
lieu
saint devenait une salle de festin où ils chantaient, dansaient et ou
s'accomplissaient mille profanations.
Notre petite église de Notre Dame de Rufis était déjà ancienne de ce
temps-là.
Or, une troupe de routiers arriva soudain dans l'Albigeois, les plaines
de
Lombers et de Réalmont. En vain essaya-t-on de résister par les armes :
les
seigneurs de la contrée furent trop faibles et tout le pays en quelques
jours
fut à feu et à sang.
Du gros des aventuriers il se détachait parfois de petits groupes qui
faisaient
des incursions dans les pays environnants. C'est ainsi probablement
q'une
cinquantaine de routiers apparurent un jour dans le pays
montredonnais.
Le seigneur de Montredon, selon toute apparence Raoul II de Cardaillac,
"homme très courageux et très charitable", dit la chronique,
craignant quelque attaque, et en conséquence avait rassemblé dans son
château
et équipé le plus de "vaillants hommes qu'il avait pu".
La présence des routiers fut signalée dans le pays de
Saint-Amans-de-Négrin,
qui à cette époque était le plus riche et le plus cultivé de la région,
Raoul
de Cardaillac les attaqua (on ne désigne pas juste le lieu), leur tua
vingt
hommes et poursuivit le reste de la bande jusque dans les bois qui
couvraient
alors la vallée de l'Agout, où on les perdit.
Quelques jours s'écoulèrent sans qu'on entendit parler de ces
malandrins. Un
matin, au point du jour, la cloche de Notre-Dame-de-Rufis se mit à
sonner le
tocsin, comme s'il fût agi d'un incendie. Les routiers essayaient de
pénétrer
dans l'église.
Comme les portes en avaient été fortement consolidées par crainte d'une
attaque, elles résistaient aux efforts des bandits. Le curé, on le
sait, avait
son logis dans le clocher : heureusement il était sur pied et put
donner
l'alarme. Quelques routiers entrèrent dans la tour, et pendant que
leurs
camarades s'acharnaient contre les portes de l'église, ils saisirent le
curé,
le frappèrent, et, après lui avoir lié les mains et les pieds, le
jetèrent dans
le plus bas appartement, qui servait de cave.
Or, dans le voisinage, habitait un homme très grand et très fort,
appelé
Montaud. Au moment où la cloche commença à sonner, il se disposait à
partir
pour le dit bois del Rat, emportant une grande hache sur son
épaule.
Comme on ne parlait dans le pays que d'églises brûlées, de fermes
incendiées,
de gens massacrés ou pendus, il lui vint à l'esprit que
Notre-Dame-de-Rufis
pouvait bien être attaquée, et sans autre réflexion il s'y rendit en
toute
hâte.
Il arriva au moment où les portes tombaient sous les coups des
brigands,
Montaud, transporté d'indignation, n'écoutant que son courage, se jeta
sur eux
à coups de hache, réussit à se placer sur la porte de l'église et en
défendit
héroïquement l'entrée.
Les routiers, un moment interdits de tant d'audace, s'élancèrent sur
lui avec
fureur, mais Montaud se battait comme un lion et avait déjà fendu la
tête à
trois d'entre eux.
Cependant les paysans accouraient de toutes parts et se battaient avec
non
moins de courage que Montaud. Comme le nombre de paysans grossissait
toujours,
les routiers prirent la fuite et on n'entendit plus parler de cette
bande. Cinq
d'entre eux avaient été tués. Deux paysans étaient morts : on les
ensevelit
avec les plus grands honneurs et le seigneur de Montredon exempta leurs
veuves
de "trente tailles", jusqu'à ce que leurs fils ainés eussent 18 ans.
Quand à Montaud, le seigneur lui donna une terre dans les environs de
Notre-Dame-de-Rufis, mais on ne précise pas en quel lieu*.
C'est ainsi que le rustique sanctuaire où notre population si
catholique aime à
porter ses pas fut préservé du pillage et de la profanation
*origine de la
Montaudié ?